« La Création retrouvée » (fr. Éric Bidot): vite, suivons saint François !

n_çIl faut bien le dire, on sent comme un reflux depuis la vague Laudato Si’ chez les catholiques. Il reste des noyaux de convaincus bien plus étoffés qu’auparavant, de nombreux projets locaux, mais l’actualité sanitaire (pourtant ô combien fille du funeste paradigme technocratique…) semble avoir détourné nos boussoles de l’urgence écologique.

Le livre du frère franciscain Éric Bidot, La Création retrouvée, l’écologie selon saint François (éditions de l’Emmanuel) n’en est que plus essentiel encore.

La crise écologique ne s’est pas mise sur pause pendant que nous suons sous nos masques FFP2. Le risque est même que l’effet rebond – pardon, « la relance » – ne l’aggrave encore alors que ses conséquences dévastatrices sont déjà là. Tout craque, et c’est bien pour cela que François, le pape, nous a donné comme guide François, le saint. Le plus radical, le plus en rupture avec le sage petit business que rien ne dérange.

L’auteur nous conduit premièrement dans une relecture approfondie du Cantique de frère Soleil, alias Cantique des Créatures, qui constitue presque à lui seul un socle pour une approche écologique complète. Éric Bidot n’oublie pas de rappeler ce point fondamental : ce cantique est composé alors que François est cruellement éprouvé par la maladie ; et qu’en aucun cas la fraternité universelle qu’il nous propose et qu’il a vécu lui-même ne saurait être taxée de romantisme déconnecté – peut-être dirait-on aujourd’hui de boboïtude. François n’idéalise pas la Création au sein de laquelle il vit, fragile comme l’est un pauvre au XIIIe siècle. Mais il sait voir la bonté du Créateur  en toute chose, il perçoit la vocation de louange divine de chaque créature, y compris des vers qui le malmènent, du loup dévoreur, et non des seuls êtres doux ou utiles à l’homme. François ne croit pas naïvement que toute créature est bonne, il voit la bonté du Créateur à travers toute créature, ce qui n’est pas la même chose. Et cela peut infiniment nous inspirer, pour nous réajuster au projet de Dieu. La vision de saint François nous libère de l’étouffant regard utilitariste. C’est dire si nous pouvons, si nous devons suivre lentement, patiemment, frère Éric Bidot sur les pas du saint qui dit et redit son cantique. Chaque page nous amène à questionner notre rapport au monde, du proche au lointain, du concret au plus vaste. Car il n’y a pas de limite à la fraternité universelle !

C’est déjà un beau pèlerinage. Mais le livre ne s’arrête pas là, car quelque part toute la vie de saint François est un cantique des Créatures. En reprenant tout l’itinéraire du Poverello, fils de famille aisé qui du jour au lendemain se dépouille, au sens propre et en public, il nous donne à voir la clé de cette conversion, et cette clé, c’est évidemment Jésus-Christ. Le Christ assume notre humanité ainsi que la vie ici-bas, et pourtant, il est pur amour divin. En lui s’opère la réconciliation, alors même que le monde que nous devons habiter reste marqué par le péché. Ainsi, le dépouillement n’est pas austérité, il n’est pas châtiment, il est au contraire imitation de Jésus-Christ serviteur, venu laver les pieds des disciples. Cette descente de piédestal est le passage obligé, la porte étroite, pour entrer enfin dans l’attitude filiale, qui sait que tout est don. « Appauvri volontairement, [François] apprend à tout recevoir avec reconnaissance et à rendre au Père de toute bonté tout ce qui est. Il n’y a pas de retrouvailles avec la Création sans ce consentement à la démaîtrise », écrit Éric Bidot. Ces deux phrases seules ont de quoi nous secouer, nous arracher à nos conforts pour refaire de nous des pèlerins.

Un pèlerin, c’est ce qu’était le saint d’Assise, rappelle enfin l’auteur. Non pas quelqu’un qui fuit le monde, mais quelqu’un qui sait que nous ne faisons que le traverser, que nous ne le possédons pas. Nous le recevons dans l’attente et comme première espérance de joies futures. Pour le comprendre et surtout le vivre, il faut « renoncer à posséder les créatures pour en user droitement ». François ne rejette ni le monde ni l’expérience de ses sens : ils sont « capables de Dieu » et aptes à reconnaître Dieu à travers ses créatures. « Toute créature est révélation divine et François va s’en réjouir de plus en plus ». Sur ses pas, nous pouvons entrer à notre tour dans un joyeux pèlerinage.

Au terme de cet itinéraire d’une grande clarté et d’une richesse inépuisable, frère Éric Bidot nous rappelle que tout cela nous concerne. Ce chemin nous attend ici et maintenant. La Trinité est relations, la fraternité est une relation, et l’écologie nous enseigne que le vivant grouille également de relations, certes de natures excessivement variées. L’attitude franciscaine ne saurait être réduite à quelque vivifiant exercice spirituel. « La Création retrouvée » nous offre un véritable guide pour la conversion écologique à laquelle nous sommes appelés, une conversion qui s’incarnera ensuite dans nos décisions, les techniques que nous choisirons ou non d’adopter. Notre monde en sera sans doute bouleversé. François d’Assise n’est pas l’homme de « quelques curseurs à ajuster ».

Moratoire sur le désespoir ?

Dimanche dernier, s’étonnant en chaire de voir dans les cortèges de « gilets jaunes » des personnes que les revenus ne rattachent objectivement pas à la classe populaire, notre évêque auxiliaire a noté que ce mouvement devait, peut-être, se comprendre comme un déficit d’espérance beaucoup plus que d’argent.

D’une certaine manière, un article qui a beaucoup tourné et qui dépeint les contestataires comme non pas les déclassés, mais l’ensemble des catégories sociales hantées par la peur du déclassement, recoupe cette observation. Par parenthèse, je trouve néanmoins que les dernières analyses qui réduisent ce mouvement à un soulèvement de la France périurbaine et surtout pas rurale ratent un truc. Parmi les départements les plus mobilisés, on trouve la Haute-Loire et la Haute-Marne, territoires on ne peut plus ruraux et quasi sans ville, en tout cas sans agglomération dynamique. Je crains qu’il n’y ait là une énième tentative de se rassurer en martelant qu’il n’y a plus de ruraux ou que, s’il y en a, ils sont encore moins intéressants que les autres et qu’on peut leur dénier toute présence – les invisibiliser, comme on dit. Ça fait huit siècles que ça dure, il est vrai. Mais passons.

À part une vague parenthèse de 1997 à 2002 où entre bulle Internet, promesses de partage du travail et football, une sorte d’euphorie avait refait croire aux lendemains qui chantent, qu’entendons-nous en boucle depuis 1993 environ ?

Qu’il n’y a pas d’avenir, sinon terrible. Que le travail coûte trop cher, entendre : que le niveau de vie est trop haut. Que les services publics ne sont pas rentables et qu’on ne peut plus se les payer. Qu’il va falloir perdre, renoncer, abandonner, se résigner. Faire connaissance avec l’insécurité, le combat permanent, quand nos parents ont pu accomplir une carrière entière dans une même entreprise bardée d’avantages, de centres de vacances, d’actions, de primes et de formations internes, sans que la moindre inquiétude ne fasse un jour frémir leur rythme cardiaque. Connaître les loyers déments et les colocs sans fin quand cette même génération, sans diplômes et sans emploi qualifié, trouvait aisément à louer un beau F3 tout neuf à Lyon, avec comme vague garant les 200 brebis d’un tonton paysan. Assister au retour des bidonvilles, des logements suroccupés, apprendre que les associations caritatives distribuent toujours plus de repas et que la part des Français qui ne se soignent pas faute d’argent reste désespérément élevée. Bref : d’innombrables marqueurs sans équivoquent impriment à l’existence un sentiment d’insécurité, de fragilité, et le constat objectif de pertes et de difficultés bien plus grandes. Quant à la crise écologique, il est désormais entendu qu’on ne peut pas lutter contre, car « personne ne voudra jamais… » Il faut donc se résoudre à un avenir pénible, un monde peu habitable, quelque chose qui tiendra soit de Mad Max soit de la vie dans une base spatiale, sans en parler car ce serait « du catastrophisme » – n’y pensons pas, mais ce sera comme ça.

Et la radio politique répète en boucle que ce n’est qu’un début. Ce n’est pas par hasard que depuis quelques mois notre gouvernement loue H24 le « courage » du peuple grec (+80% de suicides). À quoi s’ajoute un funeste « et personne n’y peut rien, même pas nous ». Les crises économiques et financières s’enchaînent comme les plaies d’Egypte : implacables, inéluctables, imparables. C’est ainsi et on ne peut rien. Premièrement, votre vie va consister à perdre ; deuxièmement, à subir. Nous n’aurons aucune prise sur notre vie. Quoi qu’il arrive, nous ne pourrons rien y faire. Nous élisons des gouvernements qui s’échinent à nous expliquer le pourquoi de leur impuissance, de leur mise en œuvre de décisions prises Ailleurs, qui frappent durement le quotidien comme une intempérie : il n’y a rien à faire. Réalisme et résignation se confondent.

Troisièmement et surtout : il n’y a pas d’avenir. L’horizon, c’est ce dur piétinement au ras du sol. Les sacrifices exigés n’ont pas pour but une sortie de tunnel, un avenir radieux : ils ont vocation à durer. C’est un effort de guerre sans aucune victoire possible, pas même dans les mensonges de la propagande. « Personne n’a besoin de vous. Une entreprise peut avoir besoin de recruter quelqu’un sur un poste, mais il y a 3 millions de chômeurs : ayez toujours en tête que personne n’a besoin de vous, ni de vos connaissances, ni de vos compétences, rien. Il y en aura toujours mille qui feront l’affaire autant que vous. Vous devrez vous débrouiller pour être de temps en temps celui qu’on tire au sort parmi eux. » Voilà comment on m’a formé, en 1998, à chercher un emploi. Ça n’a pas dû s’arranger, d’autant qu’à force de procédures, un nombre croissant de métiers, même le mien, virent au pousse-bouton, à l’exécution rigide de méthodes uniformes, ce qui ne laisse en effet aucune possibilité à la personne de manifester ses compétences propres, ce qui la différencie de l’autre. Ça non plus, ça n’intéresse plus personne : comme il s’agit « d’uniformiser les rendus », il faut au contraire que cette variabilité disparaisse et que chacun sache d’avance ce qu’on va lui répondre sans même avoir besoin de poser la question. C’est économique.

Vous allez perdre, vous allez souffrir, vous allez subir, et personne n’a besoin de vous. Tel est le message débité en boucle aux Français depuis un quart de siècle. L’avenir radieux est officiellement réservé aux quelques ceux qui ont, aujourd’hui, assez d’argent pour l’investir adroitement. Pour les autres, c’est sans fard : comme aujourd’hui, demain, vous n’aurez rien, vous ne serez rien, vous ne pourrez rien, et personne n’y pourra plus jamais rien. Et vos enfants, ce sera pire : n’en faites pas. Le tout dernier espoir millénaire des pauvres – que cela change, que les enfants voient se lever une aube plus belle – est arraché.

La seule promesse, c’est d’avoir, demain, de la 5G à la Défense. Qui s’étonne que ça ne suffise pas ?

Et si protester à la fois contre les taxes et la perte des services publics, pour le climat et pour le droit d’utiliser sa voiture, n’avait plus rien de contradictoire ? S’il s’agissait au fond d’une revendication unique : nous voulons défendre tout ce qui, jusque-là, nous a fait vivre ? Au fond, tout ce qu’aujourd’hui promet, sauf à quelques nantis (et encore !), c’est la mort. D’où, peut-être, le désir d’au moins mourir sans souffrir, moins mal qu’on aura vécu.

L’humanité ne peut plus vivre avec dans les veines du gasoil au lieu du sang, c’est certain. Mais elle veut vivre. Elle veut croire qu’il est encore possible de vivre, et de passer en ce monde d’une manière qui vaille le coup. La prohibition de l’espoir est peut-être une spécificité française, cela expliquerait bien des choses. En tout cas, elle pourrait bien expliquer ces revendications hétéroclites ; ce que nous voulons avant tout, c’est croire que demain ne sera peut-être pas le paradis, mais qu’il reste une chance, et une chance dépendant de nous, que ce ne soit pas l’enfer.

Le barbare et la fourmi

Il est des semaines où on se laisse aller à un peu de satisfaction, dans son engagement de petite fourmi éprise de bien commun. Parce qu’un article de blog a attiré cent lectures, parce qu’un autre est publié dans un journal, parce qu’on a réuni une cinquantaine de personnes autour d’un conférencier passionnant, on s’enflamme, on se gonfle – voilà du bon et utile travail de fait. Quantitativement insignifiant, mais sa petite part, son petit pas de fourmi sur le chemin qui, on l’espère, mène à un monde plus juste.
Puis, on se retrempe dans le monde « réel », on le laisse venir à soi tel qu’il est après notre petit pas de fourmi.
On apprend qu’un jeune botaniste s’est fait tuer par une grenade de gendarmerie au Testet et que la classe politique communie dans le cynisme pour en faire un casseur, sinon un délinquant récidiviste, et nous rabâcher qu’avoir des convictions et les défendre, en notre siècle de pragmatisme, c’est très bête et devrait être interdit.
On apprend qu’Asia Bibi est toujours en enfer et que la seule issue qui s’annonce est l’horreur, et qu’on ne sait même plus que faire, puisque notre mobilisation même dessert sa cause.
On apprend encore d’autres déchaînements de barbares, ici contre un couple de chrétiens, ici contre une « tribu » (pourquoi ce vocable dénigrant ?) sunnite.
On apprend que la famine tue toujours autant d’enfants par vingt-quatre heures et le SDF du coin de la rue est toujours là, sauf qu’en plus, ce soir, il pleut.
On apprend que la barbarie triomphe toujours, peut-être plus qu’il y a trente ou quarante ans même, qu’elle soit en barbe crasseuse, en blouse de médecin ou en col blanc. Elle est toujours là à brailler que la puissance justifie tout et notamment de découper son prochain en fines rondelles.
Et on est là avec notre pauvre article et notre pauvre conférence et notre pauvre petit pas de fourmi. Avec nos cinquante personnes, avec les deux cents autres qui formaient dimanche autour de nous notre chaude et diverse communauté paroissiale, avec les collègues qui reviennent trempés du terrain à la recherche de la bestiole qui sauvera une zone humide, et tout et tout.

Et on se sent pire qu’insignifiant.
Et une prière monte, toujours la même – « Dieu, est-ce possible ? »
On a beau avoir lu le livre de Job, on a beau avoir longuement médité sur la Crucifixion, on a beau savoir que Dieu est tellement humble qu’Il ne se permet pas de tout faire rentrer dans l’ordre comme un despote éclairé…
On lui rendrait bien les clés quand même.
Allez, pas tant.

On lui demanderait bien un petit signe que ce sont les fourmis qui gagneront à la fin. Pas sans Lui, mais un peu quand même. Je veux dire : autrement que dans une Parousie pleine de coups de tonnerre et de grands signes dans le ciel, Deus ex machinā au sens propre, seule capable d’arrêter le massacre.

D’ici là, les fourmis se sentent comme des andouilles.

Elles connaissent l’Histoire, le coup du progressisme et du sens de l’Histoire, on ne le leur fait pas. Elles savent que les nations les plus civilisées du temps, celles qui croyaient que la guerre même serait proprette et courte, ont été tout juste bonnes à se déchiqueter à coups d’obus sur des barbelés pendant quatre ans, tout juste bonnes à considérer que la puissance brute méritait qu’on lui sacrifie la jeunesse d’un continent, ses paysans, ses ouvriers, ses professeurs et ses artistes, ses ingénieurs et ses poètes, avant de remettre ça en pire vingt ans après. Elles savent que la pire barbarie de l’Histoire est née au cœur de la « civilisation » et que ce n’est pas bon signe.
Mais elles ne voulaient pas se résigner, ces fourmis, comme toutes les fourmis avant elles. Elles étaient si fières de leur petit pas avec leur petite aiguille de pin.
Si heureuses qu’elles avaient fini par y croire.

Mais non. Demain, peut-être, le corps martyrisé d’Asia Bibi pendra au bout d’une corde, entouré d’une foule satisfaite. Demain, peut-être, des bulldozers achèveront de défoncer le vallon du Tescou et demain, à coup sûr, des enfants mourront de faim, entourés (de plus loin) de technocrates expliquant qu’on ne peut rien y faire sans contrarier l’économie. Et je mets volontairement en parallèle, sinon sur un même plan, ce qui n’est en fin de compte que trois facettes plus ou moins brutes ou plus ou moins feutrées d’une même barbarie, la même qui proclame que tout ce qui vit doit être enfourné dans la gueule de la volonté de puissance.

Fourmi, j’ai si peur que je peux aussi me boucher les yeux. Je ne veux pas le savoir. Je me verse un petit verre de whisky, je place un vinyle sur la chaîne (luxe d’un vintage bien cossu), j’allume une lampe supplémentaire et me carre dans mon canapé.

Je l’ai fait, une heure, pour ne pas sombrer dans la folie.

Fourmi, demain, quand même, il faut reprendre le chemin, du même pas. Que faire d’autre ?

Aujourd’hui, c’est pauvretés

Il y a plusieurs jours que je cogite une note. Une très jolie note avec plein de références bibliques, parce que ça fait très savant. Cela pourrait faire presque aussi savant que le blog de mon ami Pneumatis – quoiqu’en fait, non, ça ne réussirait pas à donner le change plus de deux lignes.
Mais je suis trop fatigué. C’est que la protection de la nature n’est pas qu’une vocation exaltante et portée, si on le veut bien, par l’émerveillement et par l’Esprit. D’une manière très prosaïque, c’est aussi un métier, un travail, et comme tout travail, fatiguant. Le printemps est bien entendu la période la plus chargée. Tous les jours, sauf à ce qu’il pleuve des câbles d’ascenseur, c’est au lever du soleil que les oiseaux s’en donnent à cœur joie et c’est donc là qu’il faut aller les rejoindre, fût-ce à cent kilomètres de notre couette douillette.
Vous me direz que c’est mieux que de se lever à la même heure pour rejoindre une usine grise. Je n’en disconviens pas.
Ce temps, du reste, ne représente guère qu’un tiers du total sur l’année, voire moins. Ensuite, c’est la saisie et l’analyse de toutes ces données, la consignation écrite de toutes ces splendeurs plus ou moins endommagées, et puis, comme un avocat qui aurait bouclé son dossier, la défense, le combat, la plaidoirie pour sauver inlassablement ce qui, du Temple cosmique où Dieu se donne à voir premièrement, a échappé pour encore quelque temps à notre avidité.
Bref : c’est un travail, un vrai, qui n’est pas moins fatiguant qu’un autre, un travail de l’homme avec ses bons et ses mauvais côtés, ses beautés et ses duretés, ses agréments et ses difficultés.
De sorte que généralement, début mai, un protecteur de la nature éprouve le besoin de souffler comme un joueur à la mi-temps.
Et c’est mon cas, manque de chance, en ce jour même où le Christ renouvelle l’appel et nous envoie, de toutes les nations, faire des disciples. Mais lui-même savait aussi leur dire parfois : allez vous reposer.
Aujourd’hui, comme ce papillon aux ailes usées, je n’ai à lui donner, moi, que mes pauvretés, ma fatigue, mon épuisement, ma finitude.

Papillon âgé

Il n’y aura donc pas de note érudite aujourd’hui. Ce sera une bonne journée pour accepter mes limites et lâcher prise de la volonté de puissance qui eût pu m’atteler quand même à cet article qui aurait fait bien. Ce sera une journée de rencontre simple avec le Christ, ce soir, et avec la Création telle qu’elle voudra bien se donner où nous sommes. Dans la phacélie qui a éclos avant-hier et déploie les fastes de sa torche mauve sur le balcon, dans la verdeur de notre cornouiller, ressuscité miraculeux de cet hiver, dans un parc du quartier.
Ce sera la simplicité donnée et acceptée, du moins, je vais m’employer à bien l’accepter, c’est promis.