Tweetoizo n°3: le Rougegorge familier

En ces temps politiquement troublés, le #tweetoizo pourrait passer pour incongru, gnangnan, voire cuculiforme. Nous sommes tous bookés.

Et après ?C’est justement là qu’il est urgent de dire stop, s’asseoir, ouvrir les mains, les yeux et le reste, et se rendre prêt à recevoir.

N’oublions pas que Sisyphe, lui aussi, était quelqu’un de parfaitement overbooké.

C’est parti pour le #tweetoizo n°3. Cette fois-ci, je gage que vous ne me demanderez pas de photo pour visualiser la bestiole.

En effet, nous allons parler du Rougegorge. Vous voyez ? Maintenant, mettons-le nous aussi dans l’oreille (cliquez ici).

Ecoutez quelques-uns de ces liens. Song pour le chant, call (ou alarm call) pour les cris. Cela devrait vous dire quelque chose aussi.

Mais, me direz-vous, pourquoi y a-t-il un « chant » et des « cris » ? (Et puis même si vous ne le dites pas, je répondrai quand même) #na

Chez les oiseaux, le chant désigne l’émission vocale destinée, primo, à défendre un territoire, secundo, à y attirer une femelle.

Tout le reste relève du cri : d’alarme, de contact, de vol, etc. C’est la fonction qui compte. Il s’ensuit que le chant peut être moche.

Un jour, nous parlerons peut-être de l’outarde. Là, vous verrez ce que je voulais dire par là. #prouett #ouiellefaitça

Revenons à notre Rougegorge. Précisément, lui, il chante. Toute l’année. Même en plein hiver, alors que les autres se taisent.

Avec son plumage couleur feuille d’automne, son chant mélancolique en vient à symboliser la mauvaise saison.

Il fait gris, le vent arrache les dernières feuilles roussies. Sur la haie dépenaillée, le Rougegorge chante. Et pas pour conter fleurette.

Ce si joli chant ne sert donc qu’à une chose : défendre un territoire. Mordicus. Un territoire et ses ressources en invertébrés.

C’est qu’en hiver, la proie se fait rare et engourdie. Il faut la traquer sous l’écorce ou espérer que la bêche d’un jardinier la dévoile.

C’est ce qui incite le Rougegorge à se tenir tout près de nous. Cette grande bête avec son outil, ça fouit et déterre des vers de terre.

En somme, pour lui, l’homme est un sanglier comme un autre. Le Rougegorge y gagne officiellement le qualificatif de familier.

Si vous avez la chance de marcher tous les matins dans un endroit qui n’est pas absolument bétonné, vous avez peut-être remarqué un truc.

Un matin d’octobre, il y a des Rougegorges partout. Même en ville, s’il y a un peu d’espaces verts et de jardins, au lieu d’un, ils sont 6.

C’est qu’il en a plu la nuit. Et oui. Le Rougegorge est migrateur, et en plus, nocturne. Ils sont arrivés d’Europe du nord.

On entend leur tic-tic, puis ceux qui posent leurs valises vont vite se délimiter un pré carré, et chanter pour le défendre.

Vous l’avez compris : ce chant mélodieux, en VOST, ça donnerait très exactement « Marche à l’ombre » de Renaud. #arrachetoidlàcestpastonver

Et nos Rougegorges à nous, ceux qu’on voyait au printemps, ils en pensent quoi ? Et bien pas grand-chose : ils sont partis dans le Sud.

Du coup, si vous voyez et entendez chanter le Rougegorge toute l’année dans votre jardin, en hiver, il change. #etvousnavezrienvu

Comme, de plus, il migre de nuit, c’est grâce au baguage qu’on a pu découvrir ce grand brassage des Rougegorges européens.

Voici donc notre Rougegorge arrivé dans la haie au fond du jardin. Sa mission : survivre à l’hiver qui s’avance.

Chasseur quasi exclusif d’invertébrés comme en témoigne son bec fin, il va chercher insectes et araignées dans l’écorce, les fissures,

… le ver de terre surpris par les travaux du sol, etc. Mettez la terre à nu devant lui : il viendra parfois à vos pieds, au sens propre.

Et bien sûr, il défend son territoire. Il chante, exhibe son plastron rouge au concurrent, lui vole dans les plumes.

Il n’y a pas de miracle : une vague de froid en décimera beaucoup. Il vient parfois à la mangeoire, surtout s’il peut se nourrir près du sol.

Réduit aux dernières extrémités par la neige et le gel, le Rougegorge a même été surpris à pêcher.

Façon esquimau. Par un trou percé d’un coup de bec dans la glace fine d’un cours d’eau, il peut capturer un petit poisson.

Quoi ? Les Esquimaux n’ont pas de bec ? C’est normal. Essayez donc de percer la banquise d’un coup de bec, vous. #mendonnerezdesnouvelles

La mauvaise saison a elle aussi une fin. Mars ramène les migrateurs dans leurs pays de nidification respectifs. #etlesvachessontbiengardées

Le Rougegorge, au printemps, fréquente à peu près les mêmes milieux qu’en hiver. #cestàdire

D’abord la forêt feuillue, à condition qu’il y ait du sous-bois. Mais aussi le bocage, les jardins, les parcs, les espaces verts.

Il lui faut des arbustes et un contexte général plutôt frais et ombragé. Il s’invite en altitude, un environnement qu’il déserte en hiver.

C’est donc un oiseau très commun. Dans les bases des associations locales, la toute première donnée est souvent un Rougegorge.

C’est aussi un peu un indicateur. Plus il y en a, plus cela signifie qu’il y a des haies et des insectes, ce dont bien d’autres profitent.

Notre Rougegorge mâle a un problème. Comment reconnaître une femelle, vu que son plumage et son sale caractère sont identiques aux siens ?

C’est simple : si, quand il défie cet intrus, elle reste là, c’est une charmante demoiselle, qui s’intéresse à lui. #draguepourlestrèsnuls

On observe souvent des offrandes : le mâle apporte un insecte à la femelle qui quémande comme un poussin.

L’accouplement suit rapidement, puis la femelle construit un nid, au sol dans un fourré, ou dans une cavité (arbre, fissure, tas de bois…)

Une demi-douzaine d’œufs sont pondus, fin avril début mai, dans ce berceau d’écorce, crin et lichen très camouflé.

Les nids en hauteur, fourche d’arbre, vieux nid de Merle, sont plus communs en ville, milieu écumé par les chats.

La femelle couve seule, puis les deux adultes nourrissent la nichée. L’incubation dure deux semaines, l’élevage aussi.

Souvent, la femelle entreprend une 2e couvée, laissant le mâle nourrir la première nichée. Celle-ci envolée, il revient auprès de la 2de.

Les jeunes Rougegorges sont d’un curieux kaki tacheté de brun sombre. Dès la mue d’été, ils acquièrent le plumage de l’adulte.

Cette mue « occupe » le Rougegorge en juillet-août. Silencieux, hormis quelques cris, il se tapit dans l’épaisseur du feuillage.

En automne, les chants reprennent. Dispersés, les jeunes défendent leur premier territoire… et la migration commence.

Vous pouvez apprendre à repérer les Rougegorges autour de vous. Combien sont-ils ? Où sont-ils ? Que font-ils ? Quels sont leurs ré… #ohwait

Suivre le calendrier de la Nature à travers celui des Rougegorges autour de nous, une idée pour changer de regard sur notre quotidien !

L’écologie nous concerne… Quelques jalons pour une écologie chrétienne

Chrétiens, l’écologie, ça vous concerne !

Ahurissant, non ? Il y a seulement quinze ans, personne n’y aurait cru. Mais cette fête de Saint François d’Assise n’est-elle pas le jour idéal pour se poser la question ?

Alors… en quoi est-ce que l’écologie nous concerne et quelle écologie nous concerne ?
Avant tout… et bien avant tout… ôtons de notre regard les préjugés et les clivages politiques franco-français : une fois de plus, et une fois pour toutes, le parti politique français qui se réclame de l’écologie ne fera pas partie du champ de mon propos. L’écologie n’est pas une marque déposée, d’une part ; le caractère réellement écologique de la démarche de ce parti est contestable, et contesté – et ce bien avant que l’actualité récente n’engendre le vocable d’écologie humaine et les questionnements afférents ; l’écologie n’a pas vocation à être l’apanage d’une famille politique, ni d’une autre, et n’équivaut pas à adhérer au programme du parti Europe Écologie Les Verts. Je le mets ici de côté. Faites mentalement de même avant de poursuivre la lecture…

Avant tout, il y a le vivant. Si vous avez lu les tout premiers articles de ce blog, vous y aurez lu que l’écologie est avant tout la discipline scientifique qui consiste à étudier les relations d’interdépendance entre les êtres vivants et entre eux et leur milieu. Car, et c’est le point fondamental de toute démarche écologique, dans le vivant, tout est lié : porter atteinte à une espèce, un peuplement animal ou végétal, un habitat naturel, aura un impact non seulement sur d’autres espèces, peuplements ou habitats, mais aussi – et très vite – sur l’homme, sur son environnement de vie, son alimentation, sa vie. C’est là le principal fait scientifique établi par l’écologie et le fondement du sens que ce terme a pris désormais : la volonté de protéger ce réseau vivant en le pensant justement en termes de réseau, de système.

Comment l’approcher et pourquoi notre foi est-elle concernée ?
En nous replongeant dans le sens de la Création.

Le premier pas consiste donc à découvrir – s’ouvrir. S’ouvrir au monde, au monde vivant, nous-mêmes inclus, comme un don, un « existant », à recevoir tel qu’il est, et non tel que je voudrais le voir.

« Vois l’arc en ciel et bénis son auteur »…

Recevoir, découvrir, changer notre regard et apprendre à voir. Il nous manque déjà, et nous le savons, de savoir regarder notre prochain. Dans notre univers artificialisé, et virtualisé, il nous manque encore plus de savoir apercevoir le vivant non-humain. Pourtant, il nous préexiste. Le rencontrer, c’est une façon d’entrer dans la Louange qui est la vocation de l’homme conscient de Dieu. Cette découverte, cette meilleure connaissance amène à découvrir la fragilité de ces équilibres subtils, les menaces qui pèsent sur eux, et les multiples liens qui nous unissent à ces délicats réseaux. Le regard change, l’homme s’émerveille, l’homme conscient de Dieu loue le Créateur pour la Création, non plus seulement pour lui-même, mais pour toute la Création.

Songeons à tous ces passages de l’Écriture où la diversité du vivant nous est donnée comme objet de louange, comme dans le psaume 104 ; comme preuve de la sagesse et de la puissance de Dieu, ou comme dans le livre de Job où Dieu établit sa grandeur en créant et prenant soin d’une nature qui, parfois, nous dépasse et suit une logique plus vaste que notre service : « Qui a ouvert un passage à la pluie, tracé la route de l’éclair et du tonnerre, pour que la pluie tombe sur une terre sans habitants, sur un désert où il n’y a point d’hommes; [pour qu’elle abreuve les lieux solitaires et arides, et qu’elle fasse germer et sortir l’herbe? » (Jb 38, 25-27)

Cet émerveillement, comme l’a bien exposé le regretté Jean Bastaire, fondateur de l’écologie chrétienne de notre temps, n’est pas la sèche et distante admiration d’un esthète : il s’emplit, déjà, d’un sentiment d’appartenance à une Création commune. Il est con-templ-ation qui se résout ensuite en comm-union.

Mais le chrétien ne peut en rester au stade d’une contemplation quelque peu béate : il n’aura pas à chercher bien loin pour se voir appeler à sa responsabilité vis-à-vis de ce monde.

Dans le second récit de la Création, Dieu fait défiler toutes les créatures devant l’homme et celui-ci les nomme – il ne s’agit pas de les étiqueter, ni de se les approprier comme des objets, mais d’en prendre la responsabilité, cette responsabilité que Dieu redit en établissant l’homme dans le Jardin pour le garder.

Aussi, oui, nous y sommes appelés !
Jamais je ne l’exposerai aussi bien, c’est évident, que ne l’a fait Jean Bastaire, dans la magistrale synthèse que vous pouvez lire sur le site Eglises et Ecologie.

Essayons, néanmoins, de poser quelques jalons… Non, Dieu n’a pas créé l’homme pour qu’il survive en combattant le reste de la Création comme une nature sans âme, sombre et « hostile ». Il y a été placé, et c’est elle qui le fait vivre : le rejet de la nature dans les ténèbres de l’in-animé, tout juste bon à être fourré dans nos chaudières, ne vient pas de la parole de Dieu, ni d’une « vision judéo-chrétienne » comme aiment à le prétendre certains… En revanche, il est central chez Descartes, ce fondateur de l’approche scientifique dont, pour cette raison, les mêmes personnes aiment à se réclamer. Un Descartes qui cherchait, certes, à pratiquer une approche « rationnelle », mais qui, sur ce point, est lourdement induit en erreur par l’ignorance totale de son temps en matière d’écologie scientifique.

Seconde petite idée… elle nous vient de Benoît XVI : « Si tu veux la paix, protège la Création ». Protéger « l’environnement », c’est d’une manière très pragmatique défendre le pauvre. Cet appel nous conduit aussi à dépasser la vieille et puérile opposition « protéger l’homme ou la nature ? » qui a si longtemps conduit les « catholiques sociaux » à rejeter l’écologie comme une ennemie de l’homme, à alimenter les fantasmes sur une écologie « nouveau paganisme, adoration de Gaïa » et autres exagérations rhétoriques.

Ainsi, une écologie pleinement humaine ne peut être qu’une écologie intégrale, c’est-à-dire : simultanément de l’homme et de la nature. Notre nature, notre Donné d’êtres humains, c’est la finitude, la fragilité, la dépendance et le lien profond, à la fois biologique et spirituel, à l’ensemble du vivant. Le lien biologique est établi par la science. Le lien spirituel est établi par l’acte divin qui nous confie la Création. Ainsi, cette dépendance n’est pas une chaîne, ni un fardeau : elle est le lien à Celui qui a et qui est la vraie Vie.

Nous sommes appelés à une écologie « intégrale », humaine et environnementale ensemble, jamais opposées, deux jambes d’une même marche. Nos fondements scientifiques seront les mêmes, car c’est aussi une donnée, un Donné de la nature que celle-ci est agressée par notre ivresse de toute-puissance, au point de compromettre son existence et la nôtre avec ; mais ce sera une écologie joyeuse car animée par toute l’Espérance dont le Christ nous rend capables. Cet homme qui fait tout de travers, c’est lui qu’Il est venu sauver. Il en vaut la peine. Comme disait un pasteur, dont j’ai hélas oublié le nom, qui conférait sur une « restauration écologique » avant tout spirituelle, Dieu ne nous laissera pas seuls et les initiatives qui bruissent comme les jeunes plantes qui poussent au printemps en sont la preuve.

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