J’aimerais mieux être cincle que de voir ça

Hier matin, j’ai vu un cincle.

Cincle plongeur

C’est son coin. Il y a là un petit étang de pêche dont le déversoir cascade sur de grosses pierres. Une vieille clôture borde le ruisseau qui poursuit sa course à travers une belle pâture à vaches. Nous sommes ici tout au nord-ouest du département du Rhône, à l’endroit où il commence à se muer franchement en Charolais.

Je passe ici deux fois par an, au printemps, pour un STOC-EPS, et maintenant je sais le trouver : il se tient à l’affût non dans les rochers, mais sur un piquet.

Il était là. Soudain il a plongé dans une vasque du déversoir et ressurgi hors de ma vue.

Comme il faisait zéro degré, malgré la date, et sans doute un peu moins dans ce fond de vallée humide, et que le soleil levant restait très abstrait derrière les brumes tenaces, j’avais froid, figurez-vous, et me suis dit un instant que je n’enviais pas ce cincle.

Et puis j’ai réfléchi et me suis dit qu’au moins, lui, personne ne l’attendait à la sortie du ruisseau pour le sommer de trancher entre Macron et Le Pen, le traiter de fasciste ou de laquais du néolibéralisme où se dissout son identité de turdidé aquatique, le mettre en demeure de faire barrage (« sur mon ruisseau ? non mais ça va pas ? ») ni d’abandonner son régime alimentaire à base d’animaux sentients.

Du coup, je me suis dit que quitte à avoir froid, autant être cincle.

Et j’ai re-changé d’avis en songeant qu’il fallait craindre que les choix politiciens ne touchent durement son ruisseau et sa pâture, à terme. Sans qu’il y puisse rien.

Ne rien y pouvoir. Je crois ferme qu’une bonne part des votes qui n’ont été ni macronistes, ni fillonnistes du premier tour tiennent à cela : le désir d’une politique qui fasse quelque chose, d’un État qui annonce vouloir et pouvoir faire quelque chose. De retrouver un peu de contrôle, sur sa vie, et sur la vie du pays, de la communauté humaine où l’on se trouve. De demander autre chose aux gouvernements successifs que l’éternel discours : on ne peut rien, c’est ceci, c’est l’époque, c’est cela, c’est l’Europe, subissez, vous n’y pouvez rien, il ne peut y avoir d’autre projet, à notre siècle, que la concurrence pure – mondiale ou intra-nationale, qu’est-ce que cela changera : très vite pas grand-chose – et comme autre moteur que l’argent.

Choisir un peu plus où l’on vit, de quoi l’on vit, et dans quelles conditions, et comment l’on vit en tant que communauté humaine, pas seulement comme individu : rien de plus ordinaire comme aspiration chez l’animal social qu’est notre espèce. Voilà ce qui lui est refusé par les uns, et du coup, promis par d’autres qui ont beau jeu, y compris les plus dangereux charlatans.

Oh ! Qu’ils sont méchants de renâcler, les damnés de notre terre ! C’est si facile de mépriser comme « losers » ceux qui, malgré une dépense folle d’énergie et d’ingéniosité, ne s’en sortent pas, quand on s’en sort soi-même, aveugle à la nécessaire part de chance. A celui qui croit qu’il ne doit sa réussite qu’à lui-même (et qu’il en va de même des « ratés », l’illusion de toute-puissance sautera toujours à la figure. N’est-ce pas ce qui nous est arrivé lorsqu’ont pris fin les Trente glorieuses et que toutes les recettes auxquelles, soi-disant, nous devions notre croissance, notre Wirtschaftswunder comme disaient nos voisins, ont tout à coup cessé de fonctionner ? Et nous n’avons toujours pas compris. Le Dr Jekyll-Mr Hyde, ne parvenant plus à réaliser la poudre qui lui permettait de changer de forme, comprit trop tard que celle-ci ne devait pas son efficacité à la pureté de ses ingrédients, mais au contraire à la présence d’une « impureté ignorée [qui] donnait au breuvage son efficacité. » Nous non plus, nous ne pouvons nous résoudre à attribuer dans nos succès la part qui revient à des circonstances, parfois mystérieuses ; et nous continuons. La folie, dit-on, c’est répéter les mêmes actes en attendant un résultat différent ; mais la nôtre, c’est de répéter sans fin les mêmes actes en des circonstances autres, et d’attendre néanmoins le résultat familier.

Et croît sans fin l’immense et croissante cohorte de ceux qui ont tout fait pour réussir, sans toutefois y parvenir, et se retrouvent désignés à la vindicte. Mais il faut une sacrée dose d’aveuglement, d’idéologie comme on dit à notre époque, pour croire que la réussite de chacun ne dépend déjà que de lui-même, et que l’échec ne peut être que la sanction d’une faute. Ça marche au bac à sable, à condition d’être tout seul, et encore, si le sable n’est ni trop sec ni trop humide, ça marche avec un jeu de Lego et un bon plan de montage. Là, oui. La réussite ne dépend que de vous.

Dans le vrai monde, « la réussite » est une alchimie insaisissable et instable où la sueur et l’adresse de l’individu ne sont qu’une part modeste et sans doute décroissante, hausse de population oblige.

Mais le désir de ne pas tout subir de sa vie, lui, demeure. Croissant, à mesure que le contrôle se perd.

Raillez-le, politiques pragmatiques – surtout ceux qui sont du bon côté de la ligne. Dédaignez-le, il explosera.

Cette faim de contrôle de sa vie, votre rôle, votre métier, c’est d’y répondre, c’est de la nourrir. Vous dites que les extrêmes mentent, qu’ils n’ont rien à offrir non plus ? Sans doute, mais ils promettent. Vous vous refusez à les suivre dans la démagogie ? Mais si vous n’avez rien, rien de mieux qu’un mensonge (dont en effet, il vaut mieux s’abstenir) à promettre aux affamés, à quoi servez-vous donc et que faites-vous là ? Pourquoi faudrait-il vous suivre ? Que ferons-nous d’une alternative entre vrais marchands de rien et faux marchands de tout ? Vous pouvez sermonner, tancer le désespoir de se taire : ça ne l’apaisera pas. Vous pouvez le mijoter dans de fausses issues, ce désespoir, comme généraliser les travailleurs pauvres, l’effort qui ne paiera jamais plus. Vous ne ferez que précipiter l’explosion de l’infernale tambouille. Car il n’y aura rien de pire pour les citoyens que de découvrir que la dernière planche de salut, d’inaccessible, est devenue inutile… C’est ce désespoir qui a nourri toutes les révoltes. Ferez-vous alors tirer ? Qu’est-ce qui vous distinguera alors de ceux auxquels nous aurons fait barrage ?

Si vous valez mieux qu’un extrême, prouvez-le. Rassemblez pour de vrai, proposez un projet de vie pour tous les habitants de ce pays pour de vrai. Rendez l’espoir, au lieu de manier la menace et l’insulte.

Cela tombe bien. C’est le moment. Le vieux stock de sel du Dr Jekyll est épuisé, le monde est tout à fait devenu Mr Hyde et la planète exsangue n’a plus rien pour lui. Il est temps de construire un projet qui rompra enfin, pour la première fois depuis deux siècles, avec la course à l’avoir comme seul horizon. N’est-il pas grand temps ? La leçon n’est-elle pas assez claire ? Avec la ponction démentielle de ressources opérée sur notre pauvre monde, le déferlement de biens que nous en tirons, et qui se déverse sans limites sur un bon quart des hommes, ceux-ci au moins devraient nager dans le bonheur.

Or, non seulement leur statut de nantis exaspère la fureur de ceux qui n’ont rien, ce qui n’a rien de neuf, mais eux-mêmes, nous-mêmes, devons nous rendre à l’évidence. Nos possessions obèses – ces écrans plats si grands que plus personne n’a chez lui de pièce assez grande pour le recul nécessaire, ces smartphones qui ne tiennent plus en poche à force de vouloir le « mini » en taille « géant » – nous simplifient la tâche, allongent notre durée de vie… sans augmenter d’un iota notre sensation de bonheur. Bourrés de gadgets, gavés de cachets ! Sortez-nous donc de là.

Sortez-nous de là ou laissez-nous en sortir nous-mêmes. Mieux : faisons les deux à la fois. Politiciens, si la Polis vous importe, rendez possible une société française libérée de la tyrannie de l’avoir, et rendez-la possible pour tous et non pour une caste.

La fièvre qui entoure ces élections le prouve : malgré toute leur défiance, les Français attendent encore quelque chose du, des politiques. Ce qui s’y joue ne les indiffère pas. Le 7 mai, l’abstentionnisme lui-même n’aura jamais été aussi politisé. Il ne faut pas tout attendre de vous, politiques ? On l’a compris depuis longtemps. Mais si vous n’êtes là que pour nous dire qu’il ne faut rien attendre, alors retirez-vous. Vous avez beaucoup mieux à faire.

Protection de la Nature: nous sommes-nous plantés ?

Voilà maintenant plusieurs décennies que les associations de protection de la nature travaillent, souvent loin des yeux du public, à tâcher d’enrayer la perte de biodiversité.
Quelques oppositions frontales spectaculaires, quand la gravité des enjeux passe les bornes, voilà généralement tout ce qu’on en voit, et rien du tout du travail de fourmi de connaissance, de protection au quotidien et surtout, surtout, de concertation et de conciliation.

Pour protéger: d’abord connaître

Pour ce qui est de la connaissance, j’ai déjà parlé à de nombreuses reprises de l’outil le plus répandu actuellement, la base participative de type Visionature Celle-ci, en France, représente actuellement 38 millions de données, ou bien entre 100 000 et 300 000 par an et par département. Ceci uniquement pour la faune sauvage et pour les groupes d’espèces disponibles à la saisie sur les sites locaux Visionature, coordonnés par la LPO ou d’autres associations.
Cette connaissance, très majoritairement issue de travail bénévole, validée par le travail de vérification des experts associatifs, eux aussi bénévoles ou salariés, est matérialisée, par exemple, par le nouvel Atlas des oiseaux de France, tout récemment publié : c’est le troisième dans notre pays, les précédents datant de 1976 et 1992. Ou les atlas régionaux, comme celui des Amphibiens et reptiles de Rhône-Alpes.
Et comme ces bases et ces enquêtes sont participatives, cette connaissance est recueillie en toute transparence.
C’est elle qui, ensuite, décide l’association à tenter de combattre, atténuer ou accompagner tel projet destructeur pour la biodiversité, et certes pas une vague « idéologie ».

Concilier, échanger, discuter…

Voilà pour la connaissance. Quant à la protection, celle de tous les jours, celle qui ne fait pas les gros titres, ses formes sont si diverses que je ne pourrai citer ici qu’une poignée d’exemples.
Ce seront, par exemple, les innombrables programmes de travail avec les agriculteurs, les « mesures agri-environnement » – en tous milieux, de la plaine à la montagne, des grandes cultures aux vieilles pâtures, des marais au bocage. Couverts végétaux spécifiques, plantation de haies, réduction des intrants, conservation de saules têtards, surveillance et sauvetage des espèces nicheuses au sol, que sais-je. Qui sait, hors réseau LPO, que chaque année, le travail de terrain mené aux côtés des agriculteurs permet de sauver plus de mille nids de Busards des roseaux, cendrés et saint-martin de la moissonneuse ? Que le même genre de travail en commun a, temporairement du moins, stoppé la chute verticale des effectifs d’Outarde canepetière, le plus extraordinaire oiseau des champs de notre pays ?


Outarde canepetière

Moins « glamour », mais tout aussi remarquable est le travail mené aux côtés des exploitants de carrières (alluvionnaires ou de roche massive).
Ces milieux étranges offrent à des espèces rares des « habitats de substitution », c’est-à-dire des ersatz, des remplaçants de leur environnement préféré dans la Nature, où l’homme l’a parfois fait disparaître. Le Petit Gravelot, l’Oedicnème, les sternes y retrouvent les plages de galets absents de nos grands fleuves « maîtrisés ». Le Guêpier, l’Hirondelle de rivage creusent leur terrier dans les fronts meubles des gravières. Enfin, pour le Hibou grand-duc, une carrière de roche massive est une falaise comme une autre… jusqu’au tir de mine. Imaginez la technicité, la virtuosité presque, nécessaire pour sauvegarder la reproduction de ces espèces au beau milieu de l’exploitation, sans paralyser celle-ci. Un coup d’œil aux fiches techniques de la LPO Alsace, par exemple, vous en donnera un aperçu.


Petit Gravelot

C’est pourtant la routine, désormais, pour les associations. Le conflit n’intervient qu’en dernier recours.
Citons encore le Guide biodiversité et bâti de la LPO Isère qui décline de la manière la plus opérationnelle 18 démarches de protection de la Nature en ville : toitures végétalisées, nichoirs incorporés aux immeubles, entretien des espaces verts, etc.

Encore ne puis-je, faute de place, aborder l’éducation à la Nature et les milliers et les milliers d’animations destinées à faire découvrir à tous les publics imaginables les mécanismes qui régissent la fragile biodiversité qui nous entoure.

Tel est le quotidien de nos associations : l’opposition irréductible est loin de représenter le quotidien. Celui-ci est fait d’un patient travail de mise à jour des connaissances et surtout d’actions de protection en partenariat, en collaboration avec l’ensemble de la société civile. Inlassablement, c’est la conciliation avec les activités existantes qui est recherchée, avec à la clé une somme de travail proprement astronomique en termes de négociation, de réflexion, d’étude, de suivi, de technicité.
Tout cela pour une protection de la biodiversité que l’on espérait compatible avec « l’économie » telle qu’elle se présente dans notre monde. Des compromis qui satisferaient tout le monde et ne sacrifieraient personne.

… Et ça n’a pas marché

Et c’est là, que, semble-t-il, nous avons eu tort. Non pas tort de faire ce que nous avons fait, mais de penser que cela suffirait à stopper la chute.
Pas question de condamner en vrac et en bloc tout le travail accompli. Nous y avons cru et il était parfaitement normal d’y croire. Seulement, nous le savons, toute action doit être évaluée. Avons-nous atteint notre but ?

Au vu des chiffres, la réponse est clairement : non. En dépit d’un engagement intense et omniprésent, nous n’avons réussi qu’à freiner quelque peu la perte de biodiversité. C’est déjà pas mal, me direz-vous : sans cette action, la Cigogne blanche, le Faucon pèlerin, le Hibou grand-duc, la Loutre, le Blaireau et bien d’autres encore ne seraient plus qu’un souvenir depuis au moins vingt ans. Mais l’effondrement des effectifs des espèces communes en atteste : la tendance de fond est toujours à la disparition de la biodiversité la plus ordinaire à l’échéance de quelques décennies. Répétons-le encore : la planète a perdu 50% de ses vertébrés sauvages en moins de cinquante ans.

Aussi devons-nous dès à présent affronter ces chiffres et ouvrir le débat : à quoi aboutirons-nous, si nous nous en tenons exclusivement à cette démarche de conciliation technique avec l’expansion sans fin du béton, de l’artificiel, du tout-productivisme ? L’atténuation des conséquences que nous négocions âprement suffit-elle à atteindre notre but : enrayer la perte de biodiversité ? La réponse est clairement : non. Les données prouvent que cela ne suffit pas. Nous avons fait tout notre possible – et même plus – en suivant une voie, elle ne nous a pas menés où nous espérons. La course à l’abîme est plus rapide, plus puissante que nos efforts pour l’en détourner.
Nous nous sommes laissé absorber, digérer par les rouages technocratiques de la société productiviste. Elle nous confine au rôle de rouage vert qui n’empêche rien, et qui ne remplit surtout plus son vrai rôle, celui pour lequel il est né. Cela ne peut plus durer.

Nous en sommes déjà à constater que le problème réside dans « nos modes de vie ». Mais allons-nous reporter sur eux la politique du petit effort de concertation ? Les « modes de vie » ne changeront que si les principes de vie, les paradigmes qui les engendrent évoluent eux-mêmes.

Il faut oser changer les coeurs

Appelons cela comme on veut : le productivisme, le déploiement phénoménal de technique et d’énergie au service exclusif de la course effrénée au profit, le paradigme technocratique, admirablement synthétisé dans Laudato Si, se traduisent par des choix des entreprises, des Etats, des citoyens… follement supérieurs à ce que les « ressources naturelles », et notamment les écosystèmes, peuvent fournir sans s’effondrer. La « conciliation » qui ne remet pas fondamentalement en compte l’attitude extractiviste échoue, c’est le constat, à rétablir l’équilibre. Cette attitude, en effet, ne connaît aucune limite, aucun frein. Elle est, de par ses outils mentaux, hors d’état de prendre en compte la résilience de fragiles systèmes vivants, ou même la très terre à terre finitude d’une ressource. Nous manquons chroniquement de moyens; ceux-ci sont même repartis, et drastiquement, à la baisse. Il faut à présent affronter cette réalité: les moyens nous manqueront toujours, parce qu’une société dominée par le paradigme technocratique au service de l’appât du gain ne nous les octroiera jamais. Elle ne fera jamais le choix de sauver la biodiversité. Elle ne pourra jamais le faire, parce qu’elle est incapable d’en comprendre l’enjeu, autant que de mettre une limite à sa voracité. Pour qu’elle y consente, il faudrait que « ça rapporte », autrement dit, que cela lui permettre de croître encore en force, en emprise, en intensité… et en fin de compte, en impact. L’auto-contradiction est flagrante. Rien ne sera possible sans renverser ce paradigme, d’un bout à l’autre de la Terre et de l’humanité.

Le pire serait de croire que « l’homme ne changera jamais ». Il a déjà beaucoup changé. Il y a mille ans, l’homme occidental se donnait pour but le salut, dans une perspective chrétienne. Etait-ce mieux ou moins bien, n’est pas le sujet : c’est simplement la preuve que le paradigme actuel n’est pas inscrit dans nos gènes. Il n’a pas toujours existé : il n’est donc pas éternel.

Nous ne pouvons plus évacuer, à l’échelle de nos associations, la question de la compatibilité de nos objectifs avec ce paradigme dominant. La biodiversité ne sera sauvée que si celui-ci change, au profit de principes de sobriété, de simplicité, d’un rapport réellement mesuré avec le reste du monde vivant. C’est un travail vertigineux. Mais beaucoup de citoyens, y compris chez les plus pauvres, s’y sont déjà attelés. C’est celui auquel nous appellent aussi bien des figures de « Charlie » que le pape François. Nous ne devons pas abandonner, dans l’intervalle, notre travail quotidien d’urgentistes de la Nature. Lui seul offre l’espoir qu’il restera quelque chose à sauver, quand la conversion écologique du monde sera accomplie. Mais il nous faut aussi être de ceux qui réfléchissent et portent un autre projet politique, d’autres façons d’être au monde, qui seront, enfin, adaptées à la fragilité de la biosphère.

Ce n’est pas dans nos habitudes. Nous avions pu croire que ce n’était pas de notre ressort. Aujourd’hui, les faits, les données, les réalités de notre métier l’imposent.

Héron pourpréHéron pourpré

Mon voisin regarde la Coupe du Monde. Dois-je lui jeter des pierres ?

CDM

La Coupe du monde de football va donc commencer sous peu. Et mon mur Facebook est tout fleuri d’invitations à l’événement « Je ne regarderai pas la Coupe du Monde ».

Je suis resté perplexe, et d’ailleurs cette note a subi diverses transformations avant que d’être publiée.

La pilule est amère. Le dernier épisode en date, l’appel des évêques brésiliens, est suffisamment clair. La fête nous a été volée, et avec violence encore ; ceux qui l’ont pris l’accaparent, et la défendent en tirant à balles réelles. Avec de vrais morts.

Pourtant, il y avait des raisons de l’aimer et de vouloir encore y croire.

La joie valait mieux que le fric

Prenons le temps de regarder. D’autant que le sujet est beaucoup moins superficiel qu’il n’y paraît. Il ne s’agirait pas d’agir à la légère, encore moins de se targuer de boycotter un événement auquel on n’accordait de toute façon pas d’intérêt ; et surtout, il y a lieu d’éviter de condamner en bloc ou encore, comme on le voit trop souvent, de s’octroyer à peu de frais un brevet d’intelligence supérieure.

Qui s’apprête à suivre avec passion la Coupe du monde et pourquoi ?
Il est facile de rétorquer : « des neuneus décérébrés qui idolâtrent des starlettes nageant dans le pognon ». De là à en conclure que lesdits abrutis applaudissent des deux mains les descentes militaires dans les favelas et militent pour la fin de la démocratie, il n’y a qu’un pas que j’ai déjà vu franchir allègrement.
C’est un peu plus compliqué, tout de même.

Pourquoi donc cette fascination pour la Coupe du monde de football ?
Et bien parce que, pour peu qu’on s’intéresse depuis l’enfance à ce sport… qu’importent les stars. Qu’importent les qualifiés. Qu’importe même la qualité du jeu. C’est juste qu’il y a un je ne sais quoi dans l’air de goûtu, d’épicé comme un buffet garni de mets venus de trente-deux pays. Leurs noms résonnent comme les couleurs des images Panini de notre enfance, quand on apprenait dans la cour de récréation où pouvait bien se trouver le Paraguay, pour ceux qui n’avaient pas chez eux la pile de rapports Amnesty International 1986. Quelque chose de plus détendu, de léger, de festif, quoi. On est en des jours non ordinaires, pendant lesquels on ose laisser de côté la gravité du quotidien au profit d’une joie simple, au risque du superficiel, l’espace d’un petit mois.

C’est la fête. Et nous avons désespérément besoin de fête. Cessons de prendre les fans de la Coupe du monde pour des imbéciles : chacun d’entre eux – en tout cas je le revendique – est lucide, il a pleinement conscience du caractère totalement superficiel de la chose. Mais c’est ce qui en fait tout le sel. On se réjouira peut-être, on ne pleurera pas, ou pas longtemps. Voilà enfin l’occasion de déposer le joug, et de se consacrer de tout cœur, quelques jours, à une affaire sans risque. Ne l’avons-nous pas âprement gagné tout au long de l’année ?
Voilà. C’est tout. C’est une valse multicolore et mondiale de jeu de ballon, sans plus d’enjeu qu’une partie sur la plage, mais qui nous libère quelques jours de la grisaille horizontale du quotidien. Ce ressenti traverse les décennies, il prend des allures de souvenir d’enfance ou de madeleine de Proust.

C’est puéril, me direz-vous. A l’heure où ceci, alors que le monde cela, peut-on se laisser aller à pareilles vanités, toussa, et il y a plus important.
Et bien oui, on peut. Justement, même. On y a même tout intérêt si l’on ne veut pas sombrer dans la folie, asphyxié par les crises, les problèmes, les drames et autres tragédies qui se succèderont les unes aux autres sans nous laisser respirer un instant, puisque nous aurons dédaigné le rare air frais. La gravité, c’est la pesanteur. On ne peut pas être grave du jour de l’An à la Saint-Sylvestre, ce n’est pas sérieux.

Au reste, questionnons-nous avec la même intransigeance toutes nos activités dites de loisir ? Comment réagirions-nous si une campagne sur les réseaux sociaux prônait le boycott des vacances, parce que l’empreinte carbone est élevée, que nous y consommons des équipements produits dans des conditions non éthiques et que de surcroît, il est indécent et superflu de se livrer à de pareilles futilités ? Vraisemblablement, nous déclinerions en tenant l’auteur pour un dangereux fanatique ; et nous trouverions plus raisonnable de réfléchir à des « vacances éthiques » ou « bio » – mais sans en contester la nécessité. Et nous aurions bien raison.

Concernant le caractère potentiel de « religion païenne » du sport moderne, le sujet mériterait une longue digression à lui seul. L’avis auquel je m’arrête pour le moment sur la question peut être retrouvé en commentaire de cet article de Pneumatis – mon commentaire du 10 juin 9h 17.

Voilà pourquoi, vaille que vaille, on continuait à savourer ce qu’il restait encore de la fête, jusqu’à ce que fût franchi, en cette année 2014, un dernier seuil. Car, non, bien sûr, la nécessité de ballons d’oxygène, le droit à la légèreté ne peut tout excuser. Voyons un peu.

Coupe du Monde 2014, calice d’amertume

Quiconque se préoccupe un tant soit peu du bien commun, quiconque, a fortiori, choisit un chemin d’écologie chrétienne intégrale est appelé à tout remettre en question de ses choix, de sa vie. A se demander à chaque instant : « puis-je encore me permettre ceci ou ne suis-je pas, quelque part, en train de rendre gloire à Mammon ou de m’empiffrer de Création aux dépens de mes frères ? »
Nos fêtes, nos loisirs, nos parenthèses d’insouciance n’échappent pas à l’investigation, et ainsi, par là même, l’insouciance nous est de plus en plus souvent refusée, à notre grand dam. Car la réponse est à chaque fois négative et cinglante et ici, particulièrement.

Il n’est plus possible de fermer les yeux. Que les Brésiliens eux-mêmes rejettent l’événement avec une telle violence doit prouver aux plus naïfs la véracité des à-côté atroces. Enfin, quoi, le Brésil attend depuis 1950 de tourner enfin la page d’une finale perdue devant deux cent deux mille spectateurs, et cela ne suffit pas à leur faire avaler la pilule. C’est dire la sanglante amertume de la médecine que le monstre qu’est devenue la « FIFA World Cup » leur inflige.

L’argent-roi, l’ultralibéralisme, le business du tout-plaisir, appelez cela comme vous voulez, car nous savons tous de quoi il est question, s’empare de tout, nous l’arrache, puis nous le rend, plus clinquant, plus coloré… mais payant. Et à quel prix ! S’il n’était question que de télévision à péage ! Mais c’est d’un impôt du sang qu’il s’agit désormais. Et l’amateur de football ou le simple travailleur fatigué d’ici, lui, n’a rien demandé. Il n’a jamais exigé des stades à la construction ruineuse, principalement à cause de loges de luxe. Il n’a jamais réclamé de confortables places assises ni de shows à trente caméras, dont cette infecte caméra-araignée dont tous espèrent qu’un jour, un dégagement en chandelle bien placé nous libèrera à jamais. Il a même parfois chanté, dans les places debout d’un parcage, « J’enc… le foot-business ». Il voulait juste oublier quelques jours la morosité de son monde « en crise ».

Mais ne se trouve-t-il pas, chaque fois qu’il désire prendre sa petite part de fête et de rêve, percepteur de l’impôt du sang payé par ses frères au Brésil et ailleurs ?
Ici, comme presque partout ailleurs, on lui a volé son droit à quelques heures d’insouciance pour le lui rendre chargé d’une terrible complicité. Voici l’homme qui espérait bien innocemment se détendre devant un Suisse-France sommé de choisir : rester claquemuré dans sa grisaille, ou « cautionner » des meurtres d’enfants…

Otages ou complices ?

Ici, la question s’élargit. L’argent-roi, c’est un poncif, a tout envahi. Tous les matins, je cautionne par un geste ce que je dénonce sur ce blog. C’est inévitable et parfois même involontaire. Faites le compte des joies gratuites, comment dire ? « pures », auxquelles s’adonner sans scrupules : vous en trouverez peu. Et pas assez, je le crains, pour contrebalancer la pesanteur aigre d’un quotidien de citoyen impliqué, aux prises avec l’injustice tous les matins. Tout peut inlassablement être remis en question, mais le questionnement perpétuel épuise, s’il ne connaît jamais de pause, et finit par nous acculer à un ascétisme, un catharisme suffocant. Ecologiste, je me déplace en voiture, polluante, pour me rendre sur mon site de prospection… dilemme. Chrétien, je suis pécheur, dilemme bimillénaire…
Jusqu’à quand suis-je coupable de liens funestes avec mon activité lorsqu’ils m’ont été imposés ?
Celui dont le bon Samaritain fut le prochain était peut-être un individu peu recommandable. Peut-être était-ce un impie, qui pensait mal et ne triait pas ses déchets ! Peut-être le Vingt Minutes Jéricho avait-il matière à titrer « Les drôles d’amis de Monsieur le Bon Samaritain »…

Vous me direz que le bon Samaritain n’était pas libre de choisir son prochain, qu’on n’est pas libre de s’extraire du « système », sauf à retourner dans quelque grotte, et encore, et qu’en revanche, on est libre de rejeter entièrement le football professionnel et la Coupe du monde.

C’est vrai. Sauf qu’il n’y a pas d’alternative. Qui ne veut prendre sa voiture peut prendre train ou vélo. Qui ne veut pas manger Monsanto peut aller au marché, pour encore quelque temps. Là, rien.

Rien ! la proie était trop belle : tout le monde vend du rêve, et il n’y a plus un seul rêve qui ne soit à péage. Et pas grand-chose à faire : concernant l’événement qui nous occupe, à part cesser de l’acheter, les leviers à court terme sont inexistants. Ce qui nous ramène au boycott de longue durée avec toutes ses aigres conséquences. Et encore ne suffit-il pas de boycotter TF1 pendant un mois tous les quatre ans pour se croire libre.

Sous les billets, retrouver une plage sans péage

Que faire d’autre ?

Il s’agit donc de comprendre que le système marchand universel s’emploie à nous arracher tout ce qu’il y a de beau, de gratuit, de souriant, pour le restituer sous la forme d’un objet de plastique, marque déposée et fort cher, ou l’anéantir, s’il n’y est pas parvenu, de peur qu’il n’oppose à son propre produit une concurrence déloyale.

Il s’agit de comprendre que tout ce qui emplit d’une joie insouciante et nous libère quelque temps de la gravité du quotidien appartient à ces beautés en péril, et que nous en avons un besoin vital. L’accepter, n’est-ce pas aussi accueillir notre humanité ?

Il s’agit de constater, consternés, que nous arrivons trop tard et que nous l’avons laissé entièrement racheter. Il va s’agir de repartir en arrière et d’inventer comment.

Il va s’agir d’être créatifs pour trouver du rêve, de l’insouciance qui se donne et ne se vend ni ne s’achète. Peut-être même qu’un jour, on pourra s’enflammer sur une Coupe du monde de football qui n’aura tué, exproprié ni ruiné qui que ce soit. Peut-être qu’on réussira à être joyeux sans arrière-pensées, sans « cautionner » quoi que ce soit.

Et donc, la Coupe du monde, boycott ou pas ?
On m’accusera de réponse de Normand ou de lâcheté, mais tant pis. En dépit de mon passé de « footeux » et même d’Ultra, ou plutôt en raison même de celui-ci, je m’oriente, pour ma part, sinon vers un boycott en bonne et due forme, du moins vers une prise de distance écoeurée, consternée. Ce sera mon choix et le mieux, je crois, sera que chacun discerne quel doit être le sien, car il n’y aura pas forcément de réponse unique, ni de loi ni de dogme. Discerner, et choisir sans se mentir. Sans non plus se précipiter pour jeter la première pierre à l’autre. Le pire manquement à la Charité, je crois, ce serait tout au long de la compétition de tomber sur le poil de ceux qui oseront la suivre en les traitant de buveurs de sang, de néonazis, d’ennemis de la démocratie ou de nouveaux Landru. Et aussi de faire sonner de la trompette devant nous pour clamer au monde notre boycott, alors qu’en temps normal, nous ne nous intéressons de toute façon pas au football…

A ce stade, quelqu’un m’a déjà fait remarquer que je n’avais qu’à me recentrer sur les petites joies simples du genre se pencher au balcon pour écouter les oiseaux. Ce qui, vu mon métier, a déjà de quoi faire sourire. Je lui ai répondu qu’outre que ce genre de gouttelette ne remplace pas une fontaine, le système est aussi passé par là, et que chez moi, dans ma ville, dans ma rue, il n’y a plus d’oiseaux.

Espérer : un acte dangereux, subversif, et chrétien

« En tout temps, et à toute époque », il a existé des populations désespérées. (Je savais que je ne pourrais pas y échapper, alors autant le faire d’entrée). Mais je n’ai guère en tête de cas où la désespérance ait été aussi ouvertement la complice, sinon l’instrument objectif d’un système.

« L’espoir, c’est mal, ça ne se fait pas. » Voici un dogme. Un dogme de cette idéologie qui réfute avec hauteur ce nom, pour mieux rejeter les autres dans les ténèbres des « heures les plus sombres de notre histoire ».

Espérer est déraisonnable. C’est la crise. C’est la crise depuis quarante ans, le chômage est massif, la dette ceci, le gouvernement cela. Vous allez en bouffer de l’austérité, de la précarité rebaptisée flexibilité. Vous vivez au-dessus de vos moyens (crie au smicard le titulaire d’un épais compte à l’étranger). Vous allez souffrir. Vos enfants vont souffrir. On nous promet des faillites, des effondrements, des guerres civiles ou autres. Les avertissements sur l’urgence écologique sont détournés : quand les scientifiques crient « Debout, agissons, vite, ou ce sera la catastrophe », les néolibéraux rétorquent : « N’écoutez pas les esprits chagrins : jouissez, jouissez d’autant plus vite qu’une catastrophe peut survenir. De toute façon, vous n’y pouvez rien – et laissez-nous faire. »

Espérer serait également du dernier imbécile. Jamais lucidité n’a été à ce point synonyme de pessimisme désabusé – ou plutôt démobilisé. Qui croit en la possibilité de lendemains meilleurs que l’apocalypse promise est regardé comme un fou. Qui croit en la possibilité de les construire est dénoncé comme un germe de totalitarisme.
Quand l’homme n’espère plus rien, l’orgie lui apparaît comme le dernier objectif tangible, réaliste, raisonnable.
Alors il s’y adonne. Amputé de l’espoir, l’homme n’est plus bon qu’à consommer jusqu’à se consumer, à jouir jusqu’à en mourir.
Et ça tombe bien, parce que c’est exactement la place que lui assigne le système néolibéral. Jamais l’individu ne sera plus rentable que dûment enfermé dans cette pulsion hystérique de goinfre jusqu’à la mort. L’espoir est le muscle qui nous fait relever la tête. Vers le soleil, vers la clairvoyance, l’action, vers Dieu aussi. Ejointés de ce muscle, notre tête retombe, nous n’avons plus sous le regard que notre ventre et l’étage du dessous, qui deviennent notre dernier horizon, notre but si raisonnable, notre dieu.
Mais après tout, nous rabâche-t-on avec cynisme, n’est-ce pas « la nature humaine » ?

Il y a pire crime : espérer en bande organisée. Non seulement croire en la possibilité d’un monde meilleur, mais y croire ensemble. C’est ainsi : « l’union fait la force » est devenu une devise honnie, symbole de dictature. Le bien commun ? Un projet collectif ? Construire ensemble ? Hola ! Discipline de masse ! Donnage de leçons (sic) ! Heures les plus sombres de notre histoire ! Anathème ! Anathème !
On ne dit plus « ensemble ». On dit « chacun ». « Chacun respecté », manière élégante de dire : chacun pour soi, ne s’occupant que de lui-même, agissant pour lui-même. Chemins soigneusement divergents, comme le bouquet d’un feu d’artifice – radiant, immobile, évaporé en un clin d’œil et un grand boum. Sitôt consommé, sitôt consumé.

Bon. Et maintenant on fait quoi ?
Et bien, comme c’est toujours le temps pascal, il y a une bonne nouvelle.
Il y a ce personnage, là – le Christ qui est venu pour tout le monde. Et même pour chacun. Chacun sur son petit chemin. « Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Dieu a fait retomber sur lui nos fautes à tous » (Is 53, 6) – et voilà qu’il est ressuscité. Qu’il nous précède en Galilée, c’est-à-dire dans le monde, là où nous vivons, nous – pas seulement dans quelque incertain ailleurs céleste.
Il continue à nous inonder de son Esprit. On va fêter cela dans quelques semaines.

Ici, logiquement, une partie des lecteurs hoche la tête d’un air triste et viendra me dire – cela m’est souvent arrivé : « Là, je suis déçu. Je n’aurais jamais cru ça de ta part. » Comme si je venais d’avouer un compte au pays des vaches violettes ou des alligators. Ben écoutez, c’est comme ça.
On peut, il est vrai, espérer sans Dieu et professer une foi en l’homme. Le néolibéralisme y a, bien évidemment, pensé. Il martèle l’idée qu’il existe une fameuse « nature humaine » réduite à l’avidité de biens et de pouvoir, sinon à la concupiscence, immuable, mais surtout incoercible. Voire, qu’il serait malsain et liberticide de contrecarrer. Quant à l’Histoire, elle ne serait qu’enchaînement infernal de cycles du même tonneau, de cercles dantesques, au pied de la lettre. Telle serait la réalité de l’homme : allez donc avoir foi en lui pour accomplir autre chose ! Laissez tomber, c’est plus sage, et venez bouffer.
Il y a eu, il est vrai, « de tout temps » une telle humanité dénoncée par la plume acide des La Boétie de tous les temps en question.
Mais, il y a eu, précisément, des La Boétie en tout temps aussi.

Hildegarde de Bingen (« encore sa vieille frédégonde là ? ») discernait en l’homme, le corps, l’âme et l’esprit. L’âme, livrée à elle-même, se laisserait tomber vers le corps ; mais l’esprit – l’intelligence – la tire vers le haut et lui fait accomplir les œuvres véritablement dignes de l’homme. Pour elle, bien sûr, cette intelligence est aussi conscience de Dieu. Si cet étage vous gêne, retirez-le : reste que l’intelligence est bien là pour dépasser cette « nature » moins humaine que bestiale (pas animale !).
Bon, le faire sans Dieu, c’est un peu comme vouloir monter à pied quand l’ascenseur est là. Surtout que cet ascenseur est grand. Il n’est jamais trop petit, jamais verrouillé, jamais opaque, jamais las de venir s’ouvrir là où nous l’appelons. Il faut juste se risquer à l’appeler, humblement.

Voilà de quoi nous donner du cœur au ventre ensemble.
Voilà de quoi nous lancer, à bras ouverts, dans cet acte hautement subversif, déraisonnable, anti-économique, et potentiellement totalitaire : espérer.
Espérer, comme le chantait Georges, non pas celui qui a mauvaise réputation, mais l’autre – à gueule de métèque, de Juif errant, de pâtre grec : « La certitude que tout peut changer un jour ».