Quelques-uns des commentaires relatifs à ma dernière note m’ont amené à penser qu’il me fallait ajouter quelques précisions.
Pour une fois, ça ne sera pas très long, ne vous inquiétez pas…. quoique !
A l’origine, cette note – la précédente, donc – avait pour but de contribuer à laisser de côté l’épouvantail de la Deep ecology, trop souvent associé à l’écologie, et notamment aux défenseurs de la biodiversité. Il s’agissait juste de dire : non, les écologistes ne sont pas des fanatiques siphonnés qui cherchent à sacrifier l’homme pour restaurer la Nature vierge ; ou s’il en existe, ils ne sont qu’une poignée qui, à tous égards, ne compte pas. Inutile, donc, de crier au loup.
(Il s’avère, de surcroît, que la deep ecology elle-même ne serait pas aussi extrême dans ses positions que cela ; mais c’est encore une autre histoire. Une fois pour toutes, laissons-la de côté.)
Pour cela, j’avais choisi de décrire quelque peu le travail et la démarche des écologistes en question – pas la poignée de « deep » : les « normaux ».
Et puis, en lisant certaines réactions, j’ai réalisé que beaucoup de lecteurs ne voyaient pas du tout de quels écologistes je pouvais bien parler !
Procédons d’abord par élimination : peut-il s’agit du parti Europe Ecologie Les Verts ? Bien sûr que non (ceux qui me suivent sur Twitter s’en doutaient probablement déjà). Je ne me permettrais pas, bien évidemment, de jauger la cohérence écologique de chaque militant. Mais le parti, lui, n’a pas attendu 2013 pour me décevoir, et pis. Ne serait-ce que pour sa propension à classer la biodiversité encore plus loin dans ses priorités que les partis dits classiques. A la question du pourquoi – posée très poliment – à quelques militants et même deux élus locaux, j’ai reçu comme réponse : « excusez-moi, mais je ne vois pas en quoi cela concerne l’écologie », et la même chose, en version moins polie. Et depuis… rien.
Si l’on veut bien se rappeler que l’écologie, à la base, c’est tout de même la branche des sciences de la vie qui étudie les relations des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux, on m’accordera que ça ne fait pas très sérieux. Pour le reste, entre la préférence soudainement accordée aux centrales à charbon (anti-nucléaire à tout prix oblige), et naturellement l’actualité récente et leur soutien à une loi en laquelle je suis de ceux qui voient un grand pas vers la marchandisation de l’humain – non, à mes yeux, il n’y a pas là de démarche écologique cohérente. Voilà donc pourquoi, sur ce blog, lorsque je parle « des écologistes », ce n’est pas à ce parti, à son programme, à sa démarche, que je fais référence. À moins qu’il n’évolue, naturellement.
À ce titre, le dernier article de Jean-Claude Guillebaud, « L’écologie en perdition » tombe à pic, en rappelant que l’entrée de l’écologie dans le jeu politique sera, à jamais, une impasse. « C’est l’opinion qu’il faut culturellement convaincre pour accélérer cette « révolution des consciences ». Elle est devenue urgente, pour ne pas dire vitale », conclut-il. Je ne peux qu’approuver. L’écologie, après tout, c’est la médecine de l’ensemble du vivant : imaginerait-on la santé cantonnée à un parti ?
Alors, qui ? Qui sont ceux qui œuvrent à cette révolution et se sentent souvent un peu seuls, et lâchés depuis longtemps par la politique politicienne ?
Ce sera vite fait : principalement les ONG, les associations, qu’elles soient locales ou nationales, et les hommes et les femmes qui en sont la moelle vivante !
Beaucoup sont fédérées sous la bannière de France Nature Environnement. Pour parler de mon domaine – la biodiversité – qui n’est qu’une branche de l’écologie – comprise comme « mouvement », il y aura bien évidemment la LPO. Soixante mille membres, et une notoriété quasi inexistante dans la sphère publique, ce qui est la source de pas mal de quiproquos. Une situation par ailleurs tout à fait franco-française : son homologue britannique se targue d’un million de membres. Aux Pays-Bas, une caméra braquée sur un nid de Busards cendrés s’affiche sur le site d’une chaîne de TV généraliste… « Les petits oiseaux, c’est un truc de rigolos », voilà encore un dogme sur lequel la France se drape dans le splendide isolement de celle qui croit avoir raison contre tous.
Aux côtés de la LPO et de ses associations locales, on trouvera toutes les associations qui œuvrent à la défense de la biodiversité sur leur territoire ; les Bretagne Vivante et les Picardie Nature, les Deux-Sèvres Nature Environnement et autres Centre Ornithologique du Gard, et des dizaines d’autres, qu’elles me pardonnent de ne pouvoir les citer toutes. Elles ont leurs adhérents, leurs bénévoles, leurs salariés (souvent, mais pas toujours) ; elles ont leurs naturalistes de terrain qui crapahutent sur le territoire et collectent de quoi alimenter les bases de données. Ces bases de données qui ensuite, sont utilisées à chaque fois qu’on a besoin, pour quoi que ce soit, de connaissances sur la biodiversité d’un territoire. Hé, non, elles ne sont pas, dans leur grande majorité, collectées par des fonctionnaires de l’Etat, mais par les ONG. Saisies, relues, validées, c’est-à-dire passées au crible de vérificateurs qui connaissent tant la faune que le territoire. Vous aurez un aperçu de ces connaissances en recherchant la base de données participative de votre région: souvent http://www.faune-Votredépartement.org ou http://www.faune-Votrerégion.org
Les associations ont aussi les « militants », ceux qui veillent aux enquêtes publiques, siègent aux commissions, et défendent notre patrimoine naturel face à la voracité du quotidien ; les éducateurs à l’environnement, et beaucoup d’autres – cumulant souvent plusieurs rôles.
Bien sûr, ce milieu n’est pas « tout beau tout rose » ni peuplé exclusivement de gens intègres et d’une parfaite cohérence. À l’instar de la sainteté (n’ayons pas peur des mots), celle-ci est un combat de chaque jour et le chemin de toute une vie. Il y aurait matière à critiquer, comme dans n’importe quel monde associatif… ou autre. Il serait absurde de le nier : on y trouvera aussi des conflits de personnes, des enjeux de pouvoir, des zones grises et des côtés obscurs, parce qu’on y trouve l’humanité.
Mais on y trouvera avant tout des hommes et des femmes conscients que l’Homme – et tant pis pour son orgueil – ne se sauvera pas s’il ne sait pas sauver « les petits oiseaux », les crapauds, les serpents, les insectes, et toute cette Création dont il peine à saisir l’utilité ; conscients que lorsqu’il croit se sauver « lui plutôt qu’eux », il se condamne plus sûrement que jamais à sécher dans un mortel désert. Des hommes et des femmes animés non par des fantasmes politicards mais par l’amour du Vivant et le désir de le défendre, avec passion et au prix de divers sacrifices, loin des caméras, loin des urnes, loin des querelles pro- et anti de ces derniers jours. Mais – j’espère, note après note, vous en convaincre – sûrement beaucoup plus proches de Celui qui a les paroles de Vie que certains le croient… et même, plus proches qu’ils ne le croient eux-mêmes.
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